Paris VS Lyon (19). Roman épistolaire

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Paris XIVe, le 19 juin

 

Jean,

 

Il n’est pas certain que nous nous installions à Lyon ! Et mes protégés n’y viendraient pas. Je te rappelle que Gilles travaille non loin de Paris, il ne va pas laisser un travail pour suivre une vieille folle dans une ville qu’il ne connaît pas ! Ne te tourmente pas plus que de nature !

Nous nous sommes donné rendez-vous tout naturellement au pied de la statue de Bartholdi, ce qui a donné l’occasion à Gilles de me relater une anecdote sur elle. Le lion. Figure-toi qu’en 2009, elle a été entièrement recouverte, par des manifestants de la CGT, avec des autocollants à l’effigie de Continental, les pneus, les autoradios… tu sais ? La firme était alors menacée par la crise économique. Ça ne s’est guère arrangé depuis, je crois bien qu’il y a eu plusieurs vagues de licenciements… Mais ce n’est pas le sujet. Imagine le lion de Belfort recouvert d’autocollants jaunes ! De loin, il donnait l’impression d’être en or ! Le vrai sens de l’art urbain, au service des revendications et de la lutte. Ça me plaît !

Je te montrerai les photos. Ce qui me fait penser que notre résolution de ne pas nous connecter à internet ni à la télévision est peut-être un peu saugrenue, en pleine ville qui plus est. Mais je ne remets pas en cause cette décision peu commune, mais commune, puisque c’est elle qui nous a unis, et l’est devenue, commune ! Mais sur internet, tu aurais pu en juger par toi-même ! Rires. Mais je te jure que je n’y suis pas allée. Gilles m’a confié quelques-unes des nombreuses photos prises à l’époque. Je n’ai pas triché !

Nous sommes allés voir la tombe de Bartholdi au cimetière de Montparnasse, pas très loin. Tu vas encore te dire que ma vie Parisienne se résume au quatorzième arrondissement et aux tombeaux, je sais. La stèle est dominée par un obélisque de porphyre rose au sommet duquel un ange en bronze semble prendre son envol.  Selon Gilles, je n’ai pas eu le temps d’enquêter, c’est lui qui a réalisé sa propre sépulture. Il n’était pas un peu mégalo ce Bartholdi ? C’est dommage, le drapé de métal commence à être usé par les ans. Mais je la trouve un peu empesée et arrogante quand-même.

Cela fait la seconde fois que je te parle d’un cimetière. Voire davantage. Mais je n’emploierai pas ma vieillesse, pas si lointaine, à lire les chroniques nécrologiques, ni n’aurai comme loisir singulier d’assister aux enterrements ! Rassure-toi, je n’affectionne pas les funérailles, mais j’aime, je le confesse, l’ambiance des cimetières, le calme qui y règne. Et ces nécropoles sont emplies d’histoires, grandes et petites. Sais-tu qu’il existe un tourisme ossuaire ? C’est la nouvelle passion des Japonais, qui font le tour des cimetières en quête de tombes de célébrités. Ces Japonais !

Tiens, je me rends compte que j’ai souvent vécu près d’un cimetière. Les morts sont des voisins calmes et reposants. Sans mauvais jeu de mot. Je me disais que je n’aurais que la rue à traverser si l’envie me prenait de me jeter à corps perdu dans la mort…

Ta Jeanne

6 réponses à “Paris VS Lyon (19). Roman épistolaire

  1. Ah j’ai connu au début de mon mariage, l’appart, à côté du cimetière… les morts sont de bons voisins, je confirme… 😉 Merci Pascale et bonne continuation…

  2. Ah oui, je ne me souvenais plus de cette curieuse coutume…
    Les idées morbides de Jeanne sont peut-être aussi une manière de rire de ce qui la hante non ?
    Bientôt la fin de cette correspondance, vont-ils trouver un consensus…
    Bises Alma

  3. Fichtre, elle en a des idées morbides, notre Jeanne!
    Enfin, suis pas inquiète parce qu’elle semble avoir un sacré appétit pour la vie:)
    C’est vrai qu’il existe un tourisme autour des cimetières, ça me fait penser à certains peuples d’Amérique latine qui déterrent leurs ancêtres une fois l’an, font une fête autour des ossements et les remettent en terre ensuite…
    Nous verrons donc si Jean apprécie;)
    Merci Pascale

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